18/02/2010

Au nom du père

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De son père, qui croyait en lui, Orson, un jeune homme aux obsessions délirantes, a reçu une machine à écrire et un nom difficile à porter puisqu'il s'appelle Wells. Pour fuir la morosité familiale, il débarque à Hollywood avec la ferme intention de faire carrière comme scénariste de films. Alors qu'il se destine au cinéma d'auteur, le producteur Julian Katzberg l'engage pour faire le scénario d'un remake des années 80 Fright Night avec la sulfureuse Candy Lapointe dans le casting. Candy et Orson se plaisent mais la jeune femme devient la cible des media qui ne voient en elle qu'une poupée. Ne supportant pas d'être dénigrée, Candy met fin à ses jours. Au grand désespoir d'Orson. C'est alors qu'il apprend la mort de son père. Accompagné de Marsellus Bullock, un écrivain complètement fêlé, Orson fait route vers sa ville natale. Il y retrouve sa mère très affectée et Herbert, son frère, très revanchard. Il va devoir rapidement régler ses comptes avec ce frère qui lui reproche d'avoir quitté la maison l'obligeant ainsi à aider son père dans son magasin. Comment Orson va-t-il assumer ses nouvelles responsabilités sans abandonner son métier de scénariste ?

La parenthèse nécessaire

Le piment de l'intrigue imaginée par Gihef se situe sur deux plans particulièrement passionnants. C'est d'abord l'histoire d'un jeune loup cherchant sa place à Hollywood. Sur ce point, la culture cinématographique de Gihef impressionne. Moins évident, mais tout aussi riche, est d'avoir imaginé un personnage faible et complexe confronté à ses ambitions, ses peurs obsessionnelles et son passé. Cet épisode est la parenthèse nécessaire pour mieux comprendre Orson, cet anti-héros que l'on trouve très vite attachant. Le portrait truculent de Marsellus ajoute du piquant dans le récit. Par ailleurs, Gihef excelle dans la mise en scène, le découpage cinématographique et les références au 7ème Art. Dans un style ligne claire proche de celui de Berthet, Eric Lenaerts parvient à rendre intéressants les moments les plus banals. Il nous gratifie d'une galerie de personnages hauts en couleurs. Et, il parvient à faire passer à merveille les moments de tension. La seule déception que peut avoir le lecteur réside dans le fait de quitter déjà Hollywood le temps d'un intermède indispensable.

Les amateurs du 9ème et du 7ème Art vont se régaler...

Marc Bauloye

Mister Hollywood T2 Jersey Boy Lenaerts Gihef Dupuis

07/02/2010

Le malaise de Jeremiah

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Etats-Unis après la guerre nucléaire. Le chaos est partout où Jeremiah et son pote Kurdy posent leurs motos. Si Jeremiah a conservé quelques valeurs morales, ce n'est pas le cas de son compagnon, mercenaire à ses heures. Des lustres plus tôt, Jeremiah a rencontré Léna (Les Eaux de colère) et a quitté Kurdy pour elle. Mais, il est revenu sans rien expliquer. Aujourd'hui, Jeremiah rend visite à Léna qui vit avec Jake, son amant, et Stevie, son fils, dans une petite ville minière. Très vite, dans un bar, Jeremiah prend le parti d'un mineur contre un contremaître qui meurt dans la bagarre. Il va alors avoir sur le dos Ricky, le fils taré du propriétaire de la mine. Par ailleurs, il est évident qu'il est le père de Stevie et que Léna l'aime encore. Quand il apprend que Stevie a été enlevé dans le but de le piéger, il pète les plombs et se met à boire. Qui va veiller au grain ? Kurdy, pardi... Mais, comment va-t-il sortir son ami de ce sacré sac d'embrouilles ?

Un épisode clé

Une fois de plus, le lecteur se demande pourquoi Jeremiah partage le quotidien de Kurdy. Sans doute, parce qu'il combat comme lui l'injustice. Cet opus est un épisode clé de la série car Hermann montre le malaise profond de Jeremiah conscient de passer à côté de tout. Notamment d'une vie normale et familiale avec la femme et l'enfant qu'il aime. La dérive du héros, c'est donc le coeur de l'album dont la conclusion nous laisse sur notre faim. Si Jeremiah a des relations difficiles avec Kurdy, il peut se féliciter de l'avoir dans son camp. L'ironie de l'intrigue veut que ce soit Jeremiah lui-même qui enclenche un engrenage qui va le broyer. Ici, Hermann dénonce les abus de pouvoir comme il a stigmatisé dans d'autres épisodes les sectes, la dictature et le racisme. L'auteur est cynique: le monde où vit son héros ne change pas après son passage. Enfin, aucun temps mort dans une intrigue solide et musclée. Hermann sait où il veut nous emmener pour nous secouer avec rudesse. Et, il y réussit parfaitement. Le style graphique très réaliste colle parfaitement avec l'intrigue et la description d'un monde futuriste ravagé par une guerre atomique. Les décors crus et dépouillés en couleur directe sont grandioses.

Du Hermann en grande forme qui fait douter son héros pour remettre en cause sa vie d'errance. On en redemande !

Marc Bauloye

Jeremiah T29 Le petit chat est mort Hermann Dupuis

 

Dernier acte de la guerre des Pierres

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3412. Cosmos. Valérian et Laureline effectuent leurs derniers voyages dans l'espace et dans le temps. Il y a des lustres, ils n'ont pû empêcher la disparition de leur terre et de sa capitale Galaxity, victime en 1986 d'une explosion nucléaire. Ils parviennent à annuler les effets de la déflagration mais perdent leur planète. Pour la retrouver, ils doivent affronter les Wolochs, des Pierres noires intelligentes et redoutables. Pour cette ultime bataille, tous les amis des deux agents terriens se mobilisent: les enfants de Filène, Elmir, Jal, Ralph le Glapum'tien, Monsieur Albert... Valérian harangue ses troupes qui disposent d'une arme formidable: l'OuvreTemps, une clé de l'univers. Qui des Pierres ou des humanoïdes va remporter cette terrible bataille ? Valérian et Laureline vont-ils retrouver leur planète ? Fin d'un cycle et d'une série à la hauteur des ambitions des auteurs...

Une somptueuse chorégraphie finale

Le scénariste Pierre Christin et le dessinateur Jean-Claude Mézières souhaitaient clôturer leur saga sains de corps et d'esprit. Christin résoud dans L'OuvreTemps le fameux paradoxe temporel créé au début de la série. Ne croyant pas au succès de Valérian, il avait anéanti la terre et forcé ses personnages à errer dans l'espace pour la retrouver. Très vite, Laureline est devenue l'héroïne de la saga aux côtés de Valérian. Créée en 1967, cette série a apporté bien des innovations dans la BD de science-fiction. Christin ne s'est pas contenté de faire l'apologie du féminisme: il a abordé les problèmes politico-sociaux les plus importants de notre époque. Dans cet ultime épisode, sous forme de space opera, il fait revenir tous les personnages de la série pour une somptueuse chorégraphie finale et pour un dénouement fulgurant. Jean-Claude Mezières a réalisé pour cette saga des prouesses graphiques avec une inventivité prodigieuse. En outre, dans cet opus, il nous offre de splendides planches en couleurs directes. Tout y passe: visions hallucinées, action trépidante, silhouettes et trognes impayables. Il signe des images d'une beauté stupéfiante. Par ailleurs, Christin laisse une porte ouverte: il n'est pas hostile à des réinterprétations par d’autres de l’univers de Valérian. Dèjà, il continue la saga sous forme de romans (Lininil a disparu). A coup sûr, on est tenté de lire ou de relire la série !

Fin fascinante d'un chef d'oeuvre du 9ème Art qui a marqué des générations de lecteurs et qui séduira même les réfractaires à la science-fiction...

Marc Bauloye

L'OuvreTemps T21 Valérian et Laureline Mézières Christin Dargaud